Ancien président du groupe communiste à l’Assemblée nationale, candidat à l’élection présidentielle de 1988 et figure emblématique des campagnes rouges, André Lajoinie est décédé ce mardi 26 novembre 2024 à l’âge de 94 ans.

Bien qu’on le connaisse avant tout comme le candidat du PCF à l’élection présidentielle de 1988, succédant à Georges Marchais à la tâche, André Lajoinie a marqué le paysage politique par son parcours personnel et politique ainsi que par sa bonhomie et une sincérité communicative.

Il est né en 1929 dans une famille modeste de paysans en Corrèze. Son père suivait de près la politique, il était un radical-socialiste, laïcard et anticlérical déclaré, tandis que sa mère était une catholique pratiquante « comme on pouvait l’être dans le sud-ouest, c’est-à-dire très croyante, mais opposée à l’Église ». Ses racines, Lajoinie les porte toute sa vie. Elles l’empêchent d’aller au-delà du certificat d’étude, par manque de moyens et parce qu’il faut bien aider la famille à la ferme. Puis elles le suivent dans son engagement pour le communisme, au sein des Jeunesses communistes en 1946 puis au Parti communiste français en 1948 à l’âge de 19 ans. Cette conscience politique, il l’acquiert par les actes des résistance dont il a été témoin à son jeune âge. D’abord ce graffiti antimunichois inscrit sur un mur de son village corrézien, puis par l’aide que fournissaient ses parents à la Résistance.

Incarner le communisme rural

Après son adhésion au Parti communiste français, André Lajoinie incarne rapidement cette vision d’un communisme profondément ancré dans le terroir : le communisme rural. Ce courant, bien distinct du modèle soviétique des kolkhozes et des Agrovilles, prend racine dans la culture républicaine et l’héritage de la Révolution française. Il défend la petite propriété, obtenue de haute lutte par les paysans lors de cette Grande Révolution. Cette orientation se manifestait concrètement dès les années 1930 dans la lutte contre les saisies agricoles, la protection des métayers et fermiers, et l’amélioration des droits sociaux des paysans.

André Lajoinie porte cet héritage dans tout ses combats, aussi bien dans sa circonscription de l’Allier que dans les instances du Parti communiste qui se sont ouvertes à lui en 1963. Il siège à la section agricole du comité central aux côtés de Waldeck Rochet, autre figure imminente du communisme rural. C’est aussi un militant au service des campagnes populaires à travers la presse communiste, notamment dans l’hebdomadaire La Terre qu’il dirige de 1977 à 1994.

Avec ce parcours, il était naturel qu’André Lajoinie devienne le représentant national de ces campagnes rouges, celle de l’Allier en tête, terre socialiste et communiste depuis le XIXe siècle. En 1978, il succède au résistant communiste Pierre Villon sur la 3e circonscription de ce département. Il s’enracine en Auvergne en devenant conseiller régional.

Candidat à la présidentielle de 1988

Député de proximité reconnu par ses pères comme président du groupe communiste à l’Assemblée nationale, André Lajoinie est choisi comme la figure populaire et joviale qui représentera le PCF à l’élection présidentielle de 1988, face à Mitterrand, Chirac et Le Pen. Il confronte avec force ce dernier lors d’un débat en face-à-face, en lui rappelant notamment les horreurs nazies, et défend un projet de justice, de liberté et de paix. Un triptyque qui résonne beaucoup à nos oreilles aujourd’hui.

Malheureusement, Lajoinie fait face à bien des difficultés liées au contexte de l’époque. D’abord, dans la succession comme candidat présidentiable à Georges Marchais, figure charismatique du PCF, mais aussi en faisant face à la dissidence de Pierre Juquin, le tout dans une période où le communisme entre en fort déclin. Il ressort de ce scrutin avec seulement 6,78 % des suffrages, mais avec une sincérité inébranlable, prêt à continuer le combat pour les humbles. C’est ce qu’il fait notamment lors de la campagne du Non contre le Traité de Maastricht quelques années plus tard.

André Lajoinie était l’une des dernières figures d’une époque où les partis politiques savaient encore porter des hommes du peuple aux plus hautes responsabilités. Ce fut un homme profondément enraciné dans ses convictions et ses origines rurales qui se reflétaient dans son accent et dans son caractère. Il demeurera une figure marquante, animée par un sens de la justice, de la solidarité et une sincérité sans faille pour les humbles, les populaires et les travailleurs des champs comme des usines.

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