Les résultats définitifs du 1er tour ne sont pas encore connus, mais les majorités des 13 nouvelles régions de France métropolitaines qui se dessinent dimanche prochain reflèteront bien mal le malaise ressenti par la population française. Décryptage à chaud.
S’il faut retenir deux informations ce soir, ce sera un chiffre et une stratégie.
Le chiffre, c’est celui du Front National, évidemment. Premier parti en nombre de voix au niveau national (dépassant la barre des 30 % selon plusieurs instituts de sondages alors que le décompte des voix est en cours), il vire en tête du premier tour dans 6 régions : PACA, Languedoc-Roussillon, Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes, Centre-Val-de-Loire, Nord-Pas-de-Calais et Bourgogne-Franche-Comté. Il est à peu près acquis que l’extrême-droite s’imposera dans le Nord et en PACA. Le ballotage est incertain dans tous les autres cas de figure.
La stratégie, c’est celle du Parti socialiste et des Républicains. Dès 20 heures et quelques minutes, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll pérorait : en ajoutant toutes les voix, la gauche est « le premier parti de France ». On passera sur l’assimilation douteuse d’une addition de voix hétéroclites à un « parti »… Mais le ton est donné. La remise en cause face la brutalité des chiffres – le PS est ridiculisé dans les régions où le FN culmine – n’est pas à l’ordre du jour. Il s’agit plutôt de couper les cheveux en quatre et de sortir les calculatrices pour essayer de prouver par a+b que, oui, c’est un succès pour le gouvernement en place. Rue de Solférino, on dit réfléchir encore, toutefois, à d’éventuels retraits. Le candidat PS en PACA Christophe Castaner semble bien décidé à se maintenir, ravi sur Twitter de pouvoir devancer Christian Estrosi au second tour (sic !). Côté LR, Nicolas Sarkozy a été plus direct encore : il ne sera pas question de front républicain sous quelque forme que ce soit : ni désistement, ni fusion de liste. D’un côté comme de l’autre, plutôt laisser le FN emporter les régions, en somme. Jean-Pierre Massenet, challenger socialiste en Alsace-Lorraine, du haut de ses 17 %, a eu le mérite de l’honnêteté : pas question de n’avoir aucun siège au Conseil régional. Tant pis si Florian Philippot prend la tête de la région.
Les Républicains à la trappe
Si les reports de voix fonctionnent, le PS sauvera les meubles là où ils peuvent être sauvés. Entre le 1er et le 2e tours, droite et gauche de gouvernement intervertiront leurs rôles : Les Républicains seront les dindons de la farce (en Île-de-France par exemple, on voit mal comment Valérie Pécresse, en tête ce soir, pourrait l’emporter dimanche prochain…). Pris en tenaille entre un PS affaibli et une extrême-droite en extension, ils risquent d’être les grands perdants de la tripartition temporaire de la vie politique française. La rupture a beau être consommée entre le Front de gauche et le PS, personne n’imagine les électeurs du premier ne pas voter pour le second face au danger FN agité sous leur nez…
Les scores de l’opposition politique au pouvoir socialiste sont hauts : 30 % et 27 %, sans compter les voix obtenues par les autres formations de droite et de gauche (Parti de Gauche, Debout la France ou encore Lutte ouvrière). Une très large majorité d’électeurs s’est prononcée contre les majorités sortantes socialistes (21 des 22 anciennes régions) et contre le gouvernement, sachant que la campagne, inexistante, s’est faite exclusivement sur des thèmes nationaux. Mais le mode de scrutin, la configuration électorale et les alliances d’entre-deux-tours permettront de chasser la vilaine impression de rejet, pourtant saillante ce 6 décembre. Le vote-sanction, évident et sévère en résultats bruts, ne donnera pas de bilan final impressionnant. Le malaise politique qui habite le pays sera glissé sous le tapis des arrangements politiciens. Du pain béni pour le Front National.
Le taux d’abstention, autour de 49,5 %, n’a été que très peu commenté ce soir. Et pour cause : la participation était légèrement au hausse par rapport aux élections régionales de 2010 (bien inférieure pourtant par rapport à celles de 2004) et le niveau du FN a mobilisé l’attention. Avec environ un électeur sur deux non mobilisé, il reste une réserve de voix à exploiter en convaincant les abstentionnistes du 6 décembre à rallier une cause. Les Républicains, dépourvus d’alliés importants, doivent y songer fortement.