Le député communiste André Chassaigne est une figure bien connue du Puy-de-Dôme et du Front de Gauche. Au-delà des divergences politiques, le personnage ébranle tous ceux qui croisent sa route.
Le soleil inonde la cour, laquelle annonce une imposante maison de maître du XIXe siècle. Les craquements des pas sous les graviers font écho aux voix qui s’échappent d’une fenêtre entrouverte. C’est ici, à Thiers, que se tient la permanence d’André Chassaigne. Dans le couloir, le député communiste passe comme une tornade, papiers à la main : « Désolé, j’arrive, j’arrive ! Je finis de corriger une proposition de loi », s’excuse-t-il. Geste fébriles, écriture nerveuse, il rature, reprend un bout de phrase, soupire, finit enfin par sourire, satisfait du résultat.
A 65 ans, il est en lice sur la liste PCF-MRC-Front de gauche pour les régionales de décembre. Il concède « espérer faire plus de 5 %, même si plus de 10 serait nécessaire pour se maintenir au second tour ». L’homme est modeste, peut-être trop. Aux élections régionales de 2010, il a obtenu sous la bannière Front de gauche le meilleur score national avec 14,2 %. En 2012, rebelote : 43 % aux législatives dans sa circonscription du Puy-de-Dôme, secteur Thiers et Ambert. Zone où il n’y a pourtant pas 43 % de communistes. « Je ne vois pas le parti communiste quand je le vois, j’ai toujours voté pour lui alors que je ne suis pas de gauche », raconte René, vieil habitant de Thiers.
Indépendant avant tout
« J’essaie de redonner ses lettres de noblesse à la politique. Je ne triche pas avec les gens et ils le voient. Je garde mes valeurs et je traite tous ceux qui viennent me voir de la même manière, peu importe leur appartenance politique », confie André Chassaigne, d’un ton chaleureux. Conserver ses idées, quitte à faire original à l’Assemblée Nationale. Quitte à passer pour celui qui ne change pas d’un iota. « Dédé » n’est pas de ceux qui retournent leur veste par opportunisme ou se laissent dicter leur conduite. « C’est un personnage qui force l’admiration même si je ne partage pas ses idées. Il n’est pas obtus », affirme Miriam Fougères, la maire (affiliée au parti Les Républicains) d’Ambert, une des sous-préfectures du Puy-de-Dôme. Le député est connu pour avoir le contact facile, la parole franche derrière sa grosse moustache, mais surtout pour avoir conservé son indépendance intellectuelle. Un avis que partage François Peyrat, assistant de Brice Hortefeux : « André est authentique, il est libre et se montre aimable avec tout le monde, y compris ses adversaires politiques ! » Habitant toujours à Saint-Amant-Roche-Savine, près d’Ambert, il cultive le sens de la proximité. Maire de ce village de 500 habitants de 1977 à 2010, il a tout fait pour conserver la Poste, pour construire une médiathèque, etc. Au détour d’une rue, en train de défendre la fameuse fraise de veau autrefois interdite par la crise de la vache folle, il est partout.
André Chassaigne ne s’arrête jamais. La « faute » à un passé familial où on lui a enseigné le goût de l’effort. En évoquant sa mère femme au foyer et son père « employé Michelin, qui se levait tous les matins à l’aube », l’émotion perce dans sa voix. Sévère mais juste, le patriarche était militant associatif. Le jeune André cherchait les tracts syndicaux dans la musette de son père. Ce dernier a cependant toujours refusé adhéré à un parti. Son fils a donc grandi avec cette idée de liberté.
Un électron libre au PCF
Bien qu’engagé dans les jeunesses communistes dès l’âge de 16 ans, André Chassaigne a tracé sa propre ligne, quitte à aller à l’encontre du Parti. Il admet même que son refus du favoritisme envers des électeurs communistes lui a été reprochée, ainsi que certaines de ses prises de position.
« Alors Dédé, tu ne nous fais plus confiance ? » Ainsi l’interrogea le PCF quand il osa écrire un texte dans les années 80 pour critiquer l’attitude du parti vis-à-vis de l’URSS. « J’ai toujours eu les yeux grands ouverts moi ! Je n’ai pas ressenti de rupture à la chute de l’URSS puisque je ne m’y suis jamais reconnu », s’exclame-t-il aujourd’hui.
André Chassaigne fait finalement partie de ceux qui n’ont pas été dans le sens officiel de la marche du Parti, tout en se refusant à le quitter. Respectueux du pluralisme des opinions, même les plus éloignées des siennes, promoteur des libertés individuelles, lucide sur l’URSS dès ses 18 ans quand il a eu connaissance du Printemps de Prague, il ne ressemble pas à l’archétype du militant communiste de la seconde moitié du XXe siècle. Il apparaît dès lors peu surprenant que Valérie Giscard d’Estaing lui ait un jour demandé : « Mais pourquoi êtes-vous donc communiste ? ».
N.B. : Portrait réalisé à l’automne 2015 et publié pour la première fois.