Jeudi 25 février, la vie de Murtaza, garçonnet afghan de 5 ans, a changé. Fan de Lionel Messi, l’enfant avait ému la Toile avec un sac plastique en guise de maillot. Son idole a eu vent de l’affaire et lui en a fait parvenir deux vrais. Un beau geste qui cependant en vient à supplanter la vérité sur la vie du concerné.
L’action de Lionel Messi est tout ce qu’il y a de plus louable. Ce dernier a sans doute été sincèrement touché par le petit garçon. Et ces deux maillots ont rendu l’enfant plus heureux qu’il ne l’a jamais été. Mais pourquoi un tel besoin, chez les médias, de médiatiser l’affaire ? La générosité, l’altruisme sont très bankable. Ils font vendre. Encore plus quand ils proviennent de célébrités. Le sujet n’a rien de nouveau. Les belles actions de personnalités connues sont beaucoup plus mises en avant dans la presse. Leurs faits et gestes peuvent servir de modèles et de leitmotiv pour les citoyens lambda, donner envie de se dépasser et d’aider son prochain.
Une course aux bons sentiments
Point négatif : les personnes connues ne s’appartiennent parfois plus. Elles appartiennent au système de l’émotion. C’est à celui qui sera le plus philanthrope, le plus sensible, le plus engagé. Les stars sont considérées comme différentes du reste du monde : belles, hors du commun, riches, lisses. Des êtres supérieurs dont les bonnes actions sont forcément plus dignes d’intérêt que celles des gens inconnus. Une prise de position féministe de Beyonce pèse beaucoup plus lourd dans la balance du Bien qu’une femme anonyme qui se démène pour faire vivre ses enfants et faire payer la pension alimentaire à son ex-mari. Pour les médias, il est tout de suite plus porteur d’avoir le premier cas à la une des journaux.
Dans le cas du garçon afghan, l’histoire aurait pu (dû ?) donner envie aux médias dans leur ensemble de s’intéresser à la minorité chiite Hazara, discriminée et martyrisée par la majorité sunnite dans le pays, et ce encore davantage depuis l’arrivée de l’EI (1). Mais aucun papier là-dessus. Silence radio. Rien non plus sur des membres de cette minorité réfugiés en Iran. Il pourrait aussi être judicieux d’évoquer les belles âmes et bénévoles afghans et étrangers qui œuvrent au quotidien pour aider les populations. Médecins, infirmiers, professeurs, autant de vies inconnues au bataillon des médias mais qui mériteraient que l’on s’arrête sur leurs objectifs.
Pour que les gestes philanthropiques soient encore plus crédibles, ils devraient rester cachés. Enfin, autant que faire se peut.
Photo : STR/AFP, 2016
Note :
(1) Lorenzo CALLIGARO, « Décapitée à 9 ans, elle est le symbole de la persécution des Hazaras », slate.fr, 29 décembre 2015.