Alexandre Rupnik est étudiant en histoire et militant écologiste et fédéraliste depuis bientôt dix ans. Co-animateur d’Europe Écologie les Verts (EELV) dans les 1e, 2e, 3e et 7e arrondissements de Marseille, il est également délégué au Parti Vert Européen. Il a accepté de répondre aux questions de Voix de l’Hexagone.
Propos recueillis par Ella Micheletti.
Voix de l’Hexagone : Pouvez-vous nous expliquer votre parcours politique et votre cheminement avec l’écologie ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous engager à EELV ?
Alexandre Rupnik : En février, je fêterai mes dix ans à EELV. J’ai commencé à m’engager jeune, j’avais un peu moins de seize ans quand j’ai rejoint ce parti en février 2010, pour les régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ma mère travaillait chez Artisans du Monde et on avait invité une chargée de mission de la région qui se trouvait être Flora Boulay, conseillère municipale pour les Verts à Marseille. À la fin de la discussion, où elle présentait son action au niveau de la région et faisait campagne pour les régionales, je lui ai dit que j’aimerais distribuer des tracts. Elle m’a répondu que Daniel Cohn Bendit venait à Aix-en-Provence et que je pouvais le rencontrer. Le gamin que j’étais alors avait des diamants dans les yeux. Du jour au lendemain, je me retrouve à faire des photos avec lui. J’ai fini par adhérer au bout de deux semaines, juste après les élections régionales, à ce qui était encore Les Verts.

Mais mon intérêt pour cette famille politique remontait en fait au congrès de Reims en 2008. À l’époque, j’étais plutôt sympathisant du PS et en particulier de Ségolène Royal. Lors de mon premier meeting, le 22 mars 2007 à Marseille, j’avais un peu moins de treize ans. J’étais fiévreux, j’avais raté le collège mais j’avais insisté pour aller voir Ségolène Royal. Le congrès de Reims a été un tel bazar… Et le fait que Royal n’ait pas été élue première secrétaire a été pour moi le signe que ce parti ne pourrait pas changer sur les questions environnementales. Je me suis détaché des socialistes et je me suis dit que faire de l’écologie, c’était mieux avec des écologistes.
J’ai grandi sur la route des Calanques, j’étais déjà sensible aux questions environnementales. Mais le plus important pour moi était la question de l’unité européenne. Je suis de mère polonaise et de père slovène. J’ai grandi avec les crimes de la Seconde Guerre mondiale en Europe centrale et en Europe de l’Est, des zones marquées par les massacres de Juifs mais pas seulement. Mon père a été très marqué par la guerre de Yougoslavie, qu’il n’a pas vécue mais il a grandi yougoslave ; pour nous, l’UE a été un moyen de préserver la paix, de faire en sorte que les peuples qui adhèrent à cette union ne retombent pas dans la guerre. Cohn-Bendit incarnait l’enfant de la guerre, le réconciliateur des peuples, surtout entre la France et l’Allemagne, il défendait une Europe fédéraliste à laquelle je suis toujours attaché. Il alliait questions européennes et environnementales. Maintenant qu’il est parti chez Macron, nous sommes plusieurs à avoir la gueule de bois, finalement plus cohn-bendistes que Cohn-Bendit.
« Cohn-Bendit incarnait l’enfant de la guerre, le réconciliateur des peuples, il défendait une Europe fédéraliste à laquelle je suis toujours attaché. Il alliait questions européennes et environnementales. Maintenant qu’il est parti chez Macron, nous sommes plusieurs à avoir la gueule de bois »
Fin 2010, à Vichy, en Auvergne, j’ai fait la campagne d’Eva Joly pour la présidentielle 2012. Puis j’ai passé trois ans à Clermont-Ferrand où j’ai été candidat aux départementales, en alliance avec ce qui était à l’époque le Front de Gauche. On a fait 15%. Je suis revenu à Marseille en 2015, où je suis désormais co-secrétaire du groupe du centre-ville et par ailleurs membre du conseil général des Verts. Enfin, je représente EELV au parti vert européen (EGP).
VdH : Le bon score obtenu par EELV aux dernières élections européennes est-il le reflet d’un mouvement de fond en faveur de l’écologie ou un score de circonstance, étant donné que cette élection convient plutôt bien à votre parti (plus de 16 % en 2009) ?
A.R. : C’est l’avenir qui le dira, les années en 9 sont toujours de bonnes années pour nous aux européennes, pas les années en 4. La différence, c’est qu’on a fait plus de voix cette année qu’en 2009 et qu’on est le premier parti à gauche. En termes de perception, quand on discute avec les autres mouvements politiques, on sent qu’on nous prend moins de haut. C’est vrai qu’il y a un côté habituel mais le fait qu’il y ait eut une participation beaucoup plus haute change les choses. On augmente de 8 points. Il y a un vrai intérêt pour l’Europe. Même dans des coins où ils partaient de 0 comme en Italie, les Verts ont fait 3 %. On va avoir trois élus en Lituanie. On est le premier parti chez les jeunes.
Pour la première fois depuis dix ans, ce que je ressentais favorablement sur le terrain, je ne le retrouvais pas dans les sondages. Je croyais que les sondages se plantaient, mais la raison était autre : les gens qui voulaient voter pour nous étaient des indécis. Les sondages ne les ont pas pris en compte comme choix sûr, ils étaient classés dans les incertains. Pour être honnête, j’avais fait un pari qu’on serait à 12 % le jeudi précédent le scrutin. Qu’on soit à 13,5 a été une surprise. L’autre surprise a été la chute de LR. À Marseille, ils sont à 9% !
VdH : Avec ce score, le groupe des verts EGP pèse incontestablement au Parlement européen. Des alliances vont cependant être inévitables puisque aucun des principaux partis n’obtient seul la majorité. Quel rôle votre EGP peut-il jouer ?
A.R. : Les alliances sont en effet inévitables. Ce qui m’importe, c’est sur quelles bases ? Je ne pense pas qu’il y aura une alliance quadripartite. La grande alliance libéraux-conservateurs-socialistes a la majorité mais les socio-démocrates ont une porte de sortie pour avoir une majorité ric-rac. Il faudrait que le PSE s’allie avec les libéraux et le groupe des Verts et avec les élus italiens du Mouvement 5 Étoiles. Ce serait la majorité la plus à gauche.
VdH : Mais il y a une chance que les libéraux s’allient aux conservateurs ?
A.R. : Les conservateurs sont très divisés. On ne sait pas de quel côté ils vont tomber. Chez les libéraux, on retrouve Margrethe Vestager, qui lutte contre les GAFA, et aussi le parti du Premier ministre tchèque, qui est une sorte de Berlusconi… Donc je ne sais pas comment ils vont se mettre d’accord. De facto, on pourrait entrer à la Commission européenne car les commissaires sont choisis par les États et avec les élections en Finlande, en Belgique et au Luxembourg, on va peut-être avoir des commissaires verts. En Finlande, un gouvernement a été formé par le parti social-démocrate avec les centristes (les amis d’Emmanuel Macron) et les amis de Mélenchon. Ils se sont mis d’accord sur la neutralité carbone, à l’horizon 2035. Ils ont eu un programme de gouvernement ambitieux. Au niveau du Parlement européen, ce sera la même chose. Les alliances se construiront sur une base programmatique et rien d’autre. On verra comment cela va se passer. On a déjà réussi à amener les animalistes dans notre groupe.
VdH : Les défections dans votre parti (Cohn-Bendit, Pompili, de Rugy…) au profit de LREM vous ont-elles fragilisé ? Comment réagissez-vous face aux tentatives de drague du Président Macron à l’électorat écologiste ?
A.R. : Quand on se fait draguer, c’est qu’on vaut quelque chose. On est habitué aux mesures d’affichage mais au final il n’y a pas grand-chose. Les gens qui sont partis étaient déjà des personnalités plus en phase avec le libéralisme économique, plus centristes. Ce n’est pas forcément étonnant de leur part. Avec le temps, c’est davantage le côté défense de l’environnement qui s’est perdu. Vous pouvez retrouver une intervention de de Rugy il y a dix ans, quand il était à EELV, où il disait que la taxation du kérosène était une question de justice sociale. Maintenant, il la refuse alors qu’il est ministre de l’Environnement. Quant à Cohn-Bendit, je pense qu’il y croit vraiment… Il ne cherche pas une place à son âge, en tout cas selon moi. Disons qu’il fait… du Cohn-Bendit.
VdH : Le nombre d’adhérents et aussi de sympathisants d’EELV tend-t-il à augmenter ?
A.R. : Oui, nous sommes clairement en augmentation. Au niveau local, nous recevons des appels tous les jours. Notre salariée ne peut plus répondre. Il y a du travail administratif qu’elle ne peut plus faire. Nous allons être quelques adhérents à passer nos journées là-bas pour répondre au téléphone. Au niveau de ma section, on enregistre de nouvelles adhésions depuis plusieurs semaines. Au niveau national, on a eu la ré-adhésion de l’ancien secrétaire national des Verts, Gilles le Maire. Je sais qu’on a atteint 7 107 adhérents au niveau national en juin 2019. Donc, nous sommes en train de remonter. Il ne faut pas oublier qu’on a toujours été un mouvement avec peu d’adhérents mais beaucoup de sympathisants. Le contraire du PCF, qui compte beaucoup d’adhérents mais qui électoralement pèse beaucoup moins. Je pense toutefois que l’UPR recense plus d’adhérents que EELV.
VdH : Au élections nationales, le score des écologistes est généralement plus bas qu’aux européennes. Cela revient-il à dire que l’écologie est un thème résolument européen pour les Français ?
A.R. : L’écologie est en effet un enjeu européen. Pour nos électeurs, l’Europe est un échelon sur lequel les questions environnementales peuvent être résolues. C’est aussi une question de loi électorale. L’élection européenne est la seule élection en France à la proportionnelle à un tour. Si on vote écolo, on a des élus écolos. On a, en France, une tradition libertaire qui fait que quand une tête dépasse, on la coupe. Avec la présidentielle qui est au centre de la vie politique française (chose unique en Europe), cela ne nous réussit pas. Une petite différence actuellement : on a quelqu’un qui tient plus la route que les autres, Yannick Jadot, et je ne ressens pas une quelconque envie au sein d’EELV de lui couper la tête. En PACA, ses déclarations sur l’économie de marché avaient pu déranger mais j’entends un autre discours maintenant : « Il faut le soutenir, le garder, il faut le préserver. » Certains pensent à lui pour la prochaine élection présidentielle à mon avis. Quand je regarde nos scores, je vois qu’on marque des points dans quartiers très à gauche mais aussi très à droite. Notre base électorale, ce sont les sables mouvants.
VdH : Observez-vous des changements dans le comportement des Français ?
A.R. : Oui, on observe nettement des progrès. Il y a une conscience des problèmes environnementaux chez les Français. Ce n’est pas le cas partout. En Pologne, j’entends plutôt des discours inverses : « Le réchauffement climatique, il y en a marre ! » En France, le petit verrou qui n’a pas complètement sauté, c’est celui qui consiste à passer de la question individuelle à la question collective. Pour régler les questions environnementales, il ne suffit pas de trier ses déchets. Il faut passer à des changements structurels, à des changements de modèle énergique et agricole. Et là… Cela marche notamment chez les plus jeunes. Je crains à l’avenir, pour l’unité de la société française, qu’il y ait un décalage entre les plus anciens et les plus jeunes. Or, objectivement, les plus anciens sont les plus nombreux à voter. Je me demande si, dans 10 ou 15 ans, il n’y aura pas un discours prônant l’euthanasie des personnes âgées car « ils nous auront mis dans cette merde environnementale ». Je précise que c’est quelque chose que j’ai entendu chez des militants écologistes… Je ne veux pas arriver à ce niveau de division.
« Pour régler les questions environnementales, il ne suffit pas de trier ses déchets. Il faut passer à des changements structurels, à des changements de modèle énergique, et agricole »
Pour moi, dans une société écologiste, tout le monde a sa place, du bébé à l’aîné de 80 ans. Je crains cette vision de la société française divisée. Certaines personnes, minoritaires, certes, sont comme ça. J’ai entendu ce discours extrémiste et j’espère qu’on n’en arrivera pas là. On a un devoir de proposer un programme qui unisse tous les âges et toutes les franges de la société. Dans les sondages de sortie des urnes, j’ai vu qu’on a été bien reçus dans les quartiers populaires ou certains quartiers nord et on a fait des scores au-dessus de notre moyenne locale et nationale. Chez les Français qui gagnent moins de 1 200 euros, on est autour de 12 ou 13 %. C’est un vrai changement pour nous, on était toujours à la traîne là-dessus. La différence, c’est le niveau de diplôme qui est fondamental, plus que le niveau de revenus. Plus les gens sont diplômés, plus ils votent écolo. Mais cela change car, dans les dix communes où on fait le plus de voix en France, il y a cinq ou six villages corses ! C’est aussi grâce à nos amis régionalistes corses, il faut le reconnaître. On arrive par exemple en tête dans l’ensemble de la vallée du Queyras, en zone rurale. Dans le département de la Drôme, on fait de bons scores à Valence. Et dans les zones urbaines de la Vallée du Rhône, on est en retard…
Notre électorat est donc à la fois urbain, dans les beaux quartiers (20 % dans le quartier du Roucas blanc à Marseille) et en même temps on a atteint de plus hauts scores dans le Ier arrondissement (30 %). C’est tout ça à la fois.
VDH : Cela ferait donc mentir ceux qui prétendent qu’EELV est un parti de bobos ?
A.R. : Je connais quelqu’un qui n’est pas du tout bobo et bien c’est moi. Je suis fils d’ouvriers. Mon père était peintre-tapissier. Je suis le premier à avoir eu le bac du côté de mon père. Après, là où on a encore une faiblesse, c’est dans le monde ouvrier. C’est un peu difficile mais ça s’arrange, petit à petit. Par exemple, dans la ville de Gardanne où il y avait eu de gros problèmes environnementaux avec l’usine Alteo, nous avons fait aux alentours de 11 %. Mais les adhérents verts ont aussi d’autres étiquettes, nous avons des adhérents verts qui sont à la CGT. Dans la vallée du Rhône, ça pèse…
VDH : Votre parti ne gagnerait-il pas à se saisir davantage de la question sociale qui est loin d’être obsolète ?
A.R. : À titre personnel, je pense que la question sociale n’est pas obsolète. Il y a un affrontement entre classes même s’il est plus dilué. Il y a encore des classes laborieuses qui font les frais du système actuel et c’est aussi le fruit de l’ubérisation. Parfois, des amis étudiants font les livraisons à vélo sans aucune protection sociale. Sans ça, ils n’ont plus aucun revenu. Ce discours doit donc être porté. Mais il faut aussi prendre en compte notre siècle. Le problème avec l’analyse marxiste, c’est qu’elle est liée au modèle économique productiviste, alors que la disparition des ressources minières n’existait pas au XIXe siècle.
« Je pense que la question sociale n’est pas obsolète. Il y a un affrontement entre classes même s’il est plus dilué. Il y a encore des classes laborieuses qui font les frais du système actuel »
Je me souviens que Pascal Durand, secrétaire d’EELV, était venu nous voir en 2013 à Pont-du-Château (63) et il nous avait dit qu’on pouvait trouver les racines de l’écologie chez Marx et Jaurès. Je n’étais pas forcément d’accord avec lui. Mais certains qui y voient une transmission.
VdH : Le philosophe Henri Peña-Ruiz a d’ailleurs publié récemment un essai sur Marx comme penseur de l’écologie…
A.R. : Je n’ai pas lu cet ouvrage mais mes amis communistes me disent souvent que Marx se préoccupait en effet du partage des ressources et que chacun ait ce dont il a besoin. Il y avait une sorte de sobriété, de frugalité. Toutefois, je suis de formation historienne et j’ai toujours du mal à faire dire aux gens des choses qu’ils n’ont pas dites, dans un contexte bien précis. Marx reste avant tout un homme du XIXe siècle et les problématiques d’aujourd’hui ne se posaient pas à l’époque. À mon avis, il ne faut jamais sur-interpréter ce que les auteurs morts avaient pu dire.
VdH : Qu’avez-vous pensé de la proposition de François Ruffin sur les vols internes, balayée notamment par François de Rugy ?
A.R. : J’y étais complètement favorable. Pour moi, à terme, non seulement, on ne pourra pas voler sur notre territoire national et en même temps sur les moyens courriers aussi…Comme Paris-Berlin par exemple… Ce qui est spécifique à la France, c’est que le réseau ferroviaire est centré sur Paris… Par exemple, j’adore la Bretagne ; mais pour aller de Marseille à Vannes en train, bon courage ! Il faudra répondre à cette possibilité de se déplacer de cette façon diagonale. Il faut arrêter de subventionner les aéroports. Qu’on retrouve les trains de nuit ! Nos amis autrichiens avec ÖBB (la SNCF autrichienne) ont fait revivre les trains de nuit. C’est très intéressant. Et ça impressionne tout le monde. Le train de nuit a un avenir. On peut et on doit le restaurer en France. Il y a une vraie demande. Dans le Paris-Marseille de nuit, je me suis retrouvé dans des couchettes pleines. À l’époque, je devais ramer pour trouver les trains de nuit sur le site de la SNCF, j’avais la sensation qu’elle voulait volontairement liquider ses trains de nuit.
Il faudra en passer par là. Je ne comprends pas qu’en terme de rythme de vie, on puisse penser qu’on va perdre notre temps avec une heure ou deux en plus. On estime que tout déplacement est une perte de temps. Tout notre imaginaire lié au voyage est à repenser. Je considère que, outre la destination, le fait de voyager, le processus de déplacement permet de sociabiliser.
VdH : Mais cela n’est-il pas lié aussi à la question sociale ? Si tout le monde se mettait à voyager en avion, ce serait une catastrophe écologique.
A.R. : Avec l’avion oui. On peut voyager, aller loin, mais on va revenir à ce qu’étaient les grands voyages du XIXe siècle à mon avis. Quand on était à Paris et qu’on voulait aller à Moscou, à l’époque, on prenait le train, on découvrait tous les paysages. Quand on arrivait là-bas, on prenait notre temps, on voyageait dans d’autres endroits aux alentours de Moscou. On a la mode du week-end aujourd’hui… Au lieu de faire quatre fois un week-end, il vaut mieux faire une fois huit jours… On diminue ainsi la pollution. On va voyager moins mais plus longtemps.
VdH : Cela ne rentre-t-il pas en contradiction avec le « culte de l’urgence » et le rythme actuel du monde du travail ?
A.R. : Tout à fait ! Je pars du principe que le modèle productiviste va s’effondrer… La question, c’est va-t-il s’effondrer de lui-même ou l’aura-t-on anticipé ? Je crois à la décision politique, je veux dire par là au peuple politique, au sens cicéronien du terme. Je traite la question environnementale aussi dans les textes antiques. Le premier à avoir traité de la disparition des abeilles est Virgile, dans Les Bucoliques. Ces questions se posaient déjà à l’époque. Les questions écologiques sont des questions de long terme, elles n’ont pas commencé avec l’époque industrielle. Il ne faut pas seulement changer les outils mais la façon productiviste de penser… Déjà sous, Louis XIV, on pensait la forêt d’un point de vue utilitariste pour construire des navires pour faire la guerre.
« Le premier à avoir traité de la disparition des abeilles est Virgile. Ces questions se posaient déjà à l’époque. Les questions écologistes sont des questions de long terme, elles n’ont pas commencé avec l’époque industrielle »
Je fais partie de ceux qui pensent que le politique a un pouvoir s’il en a la volonté. On est dans des niveaux de changement systémique et organisationnel qui font que l’individualité seule n’a aucun pouvoir. Certains rentrent en auto-gestion au niveau de leur village, leur système économique local, ce qui est intéressant. Mais ça demeure local. Je ne crois pas, pour l’instant, en une forme d’auto-gestion nationale ou européenne. Cela ne peut se concevoir qu’avec des gens que l’on voit face à soi, que l’on connait. Il faut continuer de passer pour cela par la démocratie représentative avec, pourquoi pas à terme, un passage à davantage de démocratie directe. On est sur des questions telles qu’elles nécessitent de s’y concentrer en permanence.
VDH : Malheureusement, ce type de modèle ne cadre pas avec les souhaits de l’Union européenne actuelle. On est dans un modèle qui encourage le libéralisme, le libre-échange et la concurrence…
A.R. : Je vois totalement ce que vous voulez dire. C’est compliqué mais je pense qu’on peut plus facilement agir avec les traités qu’on ne l’imagine. Tout dépend des gens qui sont en place, des chefs d’État. Par exemple, la Hongrie de Orban a violé le droit européen pendant des années, il y a eu un laisser-faire. Quant à la question des 3 %, c’est une abomination pour certains, et dès que ce n’est pas appliqué, on vous coupe la tête… Mais, quand on regarde bien, personne n’a jamais vraiment remboursé sa dette… Ça ne va pas changer du jour au lendemain.
Entretien réalisé par téléphone le 9 juin 2019.