Le télétravail offert par l’État à ses fonctionnaires s’apparente à un bricolage informatique qu’il est difficile d’accepter en 2020. Agent de l’État, Inès Durand témoigne.
Alors que les entreprises privées (telles que France télévision ou Saint Gobain), grâce à une mécanique certainement bien rodée depuis les dernières grèves de décembre, se sont préparées deux à trois semaines avant la date fatidique du confinement en équipant leurs salariés individuellement d’outils informatiques adaptés et performants, et en organisant des tests de connexion en conditions réelles, l’État, lui, a attendu. L’ensemble de ses ministères ont été incapables d’anticiper une telle situation de crise, et se sont même parfois voilé la face en continuant d’organiser des réunions la veille du confinement sans respecter les règles basiques dictées pour éviter la propagation du COVID-19. Aucune disposition n’ayant été prise en amont, et les moyens de l’État étant limités, les fonctionnaires se retrouvent en difficulté.
Un équipement insuffisant
Avec seulement six ordinateurs configurés au télétravail pour une direction de 200 personnes et réservés aux personnes dites « à risque », les fonctionnaires doivent veiller à assurer des permanences (un jour sur deux ou par roulement), ce qui est tout à fait normal, et le reste du temps faire du télétravail mais sans accès à leur serveur et fichiers, sans sécurisation des données et avec donc pour seul ou presque outil de travail, la boite mail.
C’est au fonctionnaire de faire preuve de conscience professionnelle et de se rapprocher quand cela est possible de son service informatique afin que lui soit expliqué comment utiliser une clé USB chiffrée (compatible uniquement avec Windows 10) ou pour installer des logiciels de sécurisation des données sur un ordinateur personnel acheté sur ses deniers propres. Tout ceci devient problématique quand un plan de continuité de l’activité (PCA) doit être rempli pour gérer le confinement.
Comment continuer quand il est demandé de travailler comme si de rien n’était dans des conditions dégradées sans outils adaptés ? Certains profiteront de ce confinement pour ne rien faire, mais d’autres essayent, et pour beaucoup, d’avancer sur leurs dossiers tant bien que mal. Si la situation est loin d’être alarmante comme dans les service hospitaliers publics, des leçons devront tout de même être tirées pour enfin passer à une administration 2.0.
Moralité de l’histoire : le fonctionnaire que l’on présente souvent comme privilégié n’est certes pas malheureux mais doit faire preuve constamment d’adaptabilité et pratiquer le système D, l’empêchant d’être aussi performant qu’il veut l’être. C’est usant.