
La coalition de droite a obtenu 44 % des voix lors des élections générales italiennes du 25 septembre, dont 26 % pour le seul parti d’extrême droite Fratelli d’Italia. Comment expliquer pareil succès du parti de Giorgia Meloni et le recul des sortants ? Quelle sera la politique du nouveau gouvernement ? Pour répondre à ces questions, Voix de l’Hexagone a interrogé Ludmila Acone, historienne spécialiste de l’Italie et chercheuse associée à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.
Propos recueillis par Ella Micheletti.
Voix de l’Hexagone : Conformément aux pronostics, la coalition de droite remporte largement ces élections, rassemblant au total environ 44 % des suffrages. Quels ont été les facteurs qui ont conduit à ces résultats ?
Ludmila Acone : Certainement la déception des électeurs et leur volonté de changement unies à la crise économique et sociale… En réalité, cette coalition n’est pas une nouveauté car ses membres ont participé au pouvoir depuis le premier gouvernement Berlusconi en 1994. Cette fois-ci, c’est le parti postfasciste Fratelli d’Italia (FdI) qui a obtenu la majorité au sein de la coalition. Il a sans doute bénéficié du fait d‘avoir été le seul parti d’opposition au gouvernement Draghi, formé en février 2021. À cet égard, certains italiens peuvent dire que « ce sont les seuls que l’on n’a pas essayé » et qui donc n’ont pas déçu.
VdH : FdI arrive donc en tête (26 %) et devrait dominer la coalition. À quelle politique peut-on s’attendre de la part d’un probable gouvernement dirigé par Giorgia Meloni ?

L. A. : FdI doit d’abord s’entendre avec les autres partis de la coalition de droite dont les positions sont différentes en matière de politiques étrangères, européenne, énergétique et sociale. Le nouveau gouvernement devra adopter très vite la loi de finance et répondre rapidement à l’urgence liée au pouvoir d’achat. Le risque de tension sociale est grand ! Reste la question de l’entente avec les partenaires européens et la Commission européenne. On évoquait dans la presse un pacte Draghi/Meloni qui aurait impliquer que la nouvelle coalition reste dans le cadre fixé par le gouvernement Draghi et la Commission européenne, au risque pour FdI et la coalition de droite de ne pouvoir appliquer son programme. Néanmoins, Mario Draghi a finalement démenti tout accord secret.
VdH : Qu’est-ce qui explique la contre-performance du Movimento Cinque Stelle (M5S), qui avait été le grand vainqueur des élections de 2018 ?
L. A. : En réalité, le M5S est considéré par les observateurs comme le deuxième gagnant de ce scrutin. Certes, il a réduit son score de moitié par rapport à 2018, mais il était donné en dessous de la barre des 10 % dans les sondages avant la chute du gouvernement Draghi et après la scission organisée par son ancien leader Luigi Di Maio.
Retourné dans l’opposition, critique du bilan du gouvernement Draghi, le M5S, sous l’impulsion de l’ancien président du Conseil Giuseppe Conte, a obtenu un score supérieur à 15 %. Il est donc aujourd’hui le troisième parti italien. Le M5S s’est installé durablement dans le Sud où il est arrivé en tête de tous les partis dans six régions.
« Selon le leader du parti Azione, Carlo Calenda, le gouvernement Meloni pourrait ne pas tenir plus de 6 mois ! »
Ce succès, relatif, s’est bâti sur un programme social, défendant le revenu citoyen (l’équivalent du RSA) et l’adoption d’un salaire minimum. En quelque sorte, le M5S a assumé le rôle qui aurait dû être celui du centre-gauche et du Parti démocrate (PD).
VdH : Au vu des résultats, une autre combinaison gouvernementale serait-elle possible ? Pourrait-on voir, par exemple, l’alliance de gauche s’associer au M5S et aux libéraux d’Azione pour former une majorité ?
L. A. : D’abord, M5S, le PD, Azione, en ajoutant également la petite formation Vert-Gauche italienne, n’atteignent pas la majorité leur permettant, à eux seuls, de proposer une alternative de gouvernement. Ensuite, il faut rappeler que des négociations sont en cours. Par exemple, le PD a convoqué un congrès et tente de se repositionner. À l’issue de ce congrès, nous saurons si une alliance M5S/PD est envisageable. Il semble qu’on s’achemine vers cette solution. Azione, pour l’heure, tente de définir une position constructive et de soutien au cas par cas au gouvernement à venir. Mais selon son leader, Carlo Calenda, le gouvernement Meloni pourrait ne pas tenir plus de 6 mois ! Les échéances immédiates, la crise énergétique et la situation internationale détermineront l’issue de ces négociations ainsi que la longévité du prochain gouvernement de droite.