
À quelques heures de la manifestation et de la grève prévues partout en France pour les salaires, syndicats, partis et militants s’organisent. Quelles sont les revendications du mouvement ? Que peut-on en attendre ? Pour répondre à Voix de l’Hexagone, Laurent Strumanne, employé administratif dans un établissement de l’enseignement supérieur, engagé à la CGT depuis 25 ans et ancien candidat Lutte ouvrière aux dernières législatives dans les Hauts-de-Seine.
Propos recueillis par Ella Micheletti.
Voix de l’Hexagone : D’abord, pouvez-vous vous présenter et nous rappeler vos engagements (LO, CGT). Faites-vous grève aujourd’hui dans votre secteur d’activité et si oui, pourquoi ?
Laurent Strumanne : Je m’appelle Laurent Strumanne, employé administratif dans un établissement de l’enseignement supérieur. J’ai 60 ans, je suis engagé à la CGT depuis 25 ans, la CGT Educ’action 92, et je milite à Lutte ouvrière depuis 40 ans. J’ai été candidat aux élections législatives et tête de liste aux élections municipales à Nanterre, où je vis. Je suis en grève aujourd’hui comme beaucoup de travailleurs dans l’enseignement : tout augmente sauf nos salaires ! Il faut que cela s’arrête.
VdH : Quelles sont les revendications principales de cette journée de mobilisation du 29 septembre ? (Salaires, smic, temps de travail, pouvoir d’achat, retraites…)
Ce jeudi 29 septembre, plusieurs syndicats, la CGT, la FSU et Solidaires, appellent à faire grève et à manifester pour les salaires. Depuis des mois, la hausse des prix lamine le pouvoir d’achat : alimentation, carburants, gaz, électricité, taxe foncière, etc. Et cela pèse d’abord sur les plus bas salaires, bloqués déjà depuis des années.

À côté de cela, les caisses de tous les grands groupes capitalistes sont pleines et le gouvernement et le patronat parlent de prime et essayent ainsi de détourner le regard des travailleurs, du public comme du privé, pour qu’ils se contentent de miettes. Ne laissons pas le gouvernement et le patronat nous faire les poches ! Comme d’autres militants, je discute de tout cela avec mes collègues, et il faudra qu’on arrive à se mettre, partout, en ordre de marche pour arracher nos revendications.
Ce dont les travailleurs ont besoin : une indexation des salaires, des retraites et des allocations sur les prix. Si les prix augmentent, notre gagne-pain doit suivre ! Il faut au moins 400 € de plus par mois pour toutes et tous !
VdH : Ne craignez-vous pas que dans cette période d’inflation, les salariés hésitent à faire grève, d’autant plus que leur mobilisation sera très attendue d’ici quelques mois contre la réforme des retraites ?
Bien sûr que des salariés hésitent, ou n’ont pas confiance dans les organisations syndicales. Mais on ne peut pas rester sans rien faire, c’est ce que je dis autour de moi ! Dans certaines entreprises d’ailleurs, les travailleurs n’ont pas attendu la date du 29 septembre pour discuter, s’organiser, débrayer, et parfois se lancer dans la grève. Ces dernières semaines, ces mouvements se sont multipliés à Carrefour, Arkema, TotalEnergies, PSA Stellantis, GRDF, dans les aéroports ou encore dans certains Ehpad… Tous ceux qui protestent ont raison : les salaires doivent être indexés sur les prix !
« Pendant la campagne présidentielle, Macron avait annoncé vouloir reporter l’âge de départ à 64 ou 65 ans […] Mais les comptes des retraites étant actuellement excédentaires, l’argumentaire de l’urgence tombe à l’eau. »
Cette mobilisation ne s’oppose pas à celle, nécessaire, contre la réforme des retraites voulue par le patronat et orchestrée par Emmanuel Macron. Pendant la campagne présidentielle, Macron avait annoncé vouloir reporter l’âge de départ à 64 ou 65 ans. L’argument était connu : nous vivons plus vieux, et les caisses de retraite vont être en déficit… Mais les comptes des retraites étant actuellement excédentaires, l’argumentaire de l’urgence tombe à l’eau.
Alors, maintenant, Macron explique que l’État a besoin d’argent pour l’école, la police, le logement et la transition énergétique. Autrement dit, que les travailleurs payent ce que la grande bourgeoisie ne veut pas payer ! Les choses ne peuvent pas être plus claires : le gouvernement veut que nous sacrifions notre retraite et notre pouvoir d’achat pour que les capitalistes continuent de s’enrichir.
VdH : Des hausses de 15 % du prix du gaz et de l’électricité sont attendues en janvier et février. Qu’est-ce que cela vous inspire et quelles pourraient être les solutions d’urgence ?
C’est un véritable racket orchestré par des grands groupes capitalistes sur notre niveau de vie ! Élisabeth Borne elle-même a reconnu l’existence des profiteurs de crise. Les « mystérieux spéculateurs » qu’elle accuse se trouvent parmi les trusts de l’énergie, les Engie, Eni ou encore TotalEnergies, dont les services financiers sont spécialisés dans les opérations spéculatives. Que fait le gouvernement pour les contrôler et les empêcher de nuire ? Rien ! Il renâcle même à évoquer des « superprofits » alors qu’il est de notoriété publique que les profits de ces groupes ont doublé, triplé parfois. Et avec le bouclier tarifaire, le gouvernement s’évertue bien plus à dissimuler les milliards de profits des groupes de l’énergie qu’à protéger le niveau de vie des classes populaires.
« Macron explique que l’État a besoin d’argent pour l’école, la police, le logement et la transition énergétique. Autrement dit, que les travailleurs payent ce que la grande bourgeoisie ne veut pas payer ! »
Les mesures d’urgence pour les travailleurs ne viendront pas du gouvernement mais d’en bas : le rapport des force que nous devons créer pour défendre notre peau doit nous permettre d’arracher ce dont nous avons besoin : une hausse des salaires, retraites, conséquente (pas un seul revenu inférieur à 2000 €) et leur indexation sur les prix.